▶ Destinations ▶ Inde
Sunil était un enfant du Bihar. Je l’ai connu à Calcutta lors de mon second voyage en 2004. Il était venu travailler dans un tea shop de Sudder Street avec des gens du village voisin de Bagwanpur. Âgé de 12 ans, il préparait le chai, le servait, faisait des banana-pankake.
On avait lié d’amitié et c’était un plaisir d’aller prendre mon chay tous les jours. Avant de repartir en France je voulais un tee-shirt personnalisé indien et je prenais Sunil avec moi pour me servir de guide et d’interprète dans l’immense New Market. Rien d’intéressant, t-shirts très banals. Même Sunil n’en voulait pas.
Revenus à la boutique, Sunil me propose de me donner son t-shirt orange (un peu sale !). Un des adultes qui travaille avec lui, demande pourquoi il fait ça. « Parce qu’il est comme mon père », dans le sens que je remplaçais un peu le père violent qui le maltraitait, alcoolique et sans travail.
L’Inde venait de sceller là un début d’attachement qui dure encore. Lors des autres voyages, Sunil n’était plus là, retourné dans son village du Bihar. Un jour, la famille que je connais bien où travaillait Sunil, m’invite à venir dans leur village. Nous partons donc dans l’Inde profonde, près d’Azipur. Je demande à aller voir Sunil chez lui. Nous y allons. Je trouve des femmes en pleurs, un malaise dans ce quartier apparemment tranquille.
On nous dit que Sunil n’est pas à la maison mais dehors, dans la cour, sous une paillote construite pour lui. ??? Il est allongé, les femmes autour de lui. On nous explique qu’il s’est disputé encore une fois avec son père, qu’il est allé se verser de l’essence et y a mis le feu, il s’est immolé, pratique courante en Inde pour les suicides.
Effondré, je m’approche de lui, on lui demande de s’asseoir, de me dire bonjour en tendant la main. Il le fait péniblement, découvrant un peu son torse brûlé. On me demande si je veux faire une photo, je dis non et me retire plus loin rapidement. Je laisse à la mère l’argent liquide que j’ai sur moi pour les soins de Sunil. En effet, la famille est très pauvre et il n’y a pas de soins.
Retour à Calcutta, puis en France. J’apprends plus tard que Sunil va mieux mais reste handicapé du bras gauche. Il donne un coup de main dans un tea shop de son village. Les nouvelles sont difficiles à avoir, les indiens que je connais s’en moquent un peu et y retourner seul n’est pas envisageable.
Un jour je demande à nouveau des nouvelles, et on me dit que Sunil est décédé des suites d’une infection qui a reprise sur ses anciennes blessures, ce qui est assez courant dans les cas de brûlures. J’apprendrai aussi que son ami Raj Kumar qui était aussi de son village et qui est resté à Calcutta un peu plus longtemps, est décédé aussi d’un problème au ventre (ce qu’on dit quand on ne sait pas trop de quoi il s’agit). Raj Kumar avait 14 ans alors à Calcutta. Sunil est mort environ à l’âge de 14 ou 15 ans. Sunil est devenu l’icône de l’association Kamalkedil.